Des enfants rient tout en courant après leur cerf-volant. La route est vide. En Belgique c’est la Saint-Nicolas. Je passe la frontière un vendredi en ayant l’impression qu’on est dimanche. Tout à fait normal, la Malaisie et le sud-Est de la Thaïlande sont des régions majoritairement de religion musulmane et le vendredi c’est le jour de la Mosquée. Onzième pays du voyage ce sera néanmoins le premier pays que je traverse non-majoritairement musulman depuis l’Arménie, que j’ai quittée fin juillet.
Une forte odeur de caoutchouc me prend aux narines. Visiblement je suis dans une zone productrice de latex. Cette puanteur accompagne mes 50 km jusqu’à Hat Yai, capitale de la région de Songkhla au sud-est de la Thaïlande. Arul, mon warmshower, un étudiant indonésien à l’université de la ville, m’y attend.
Je sirote mon cidre attablée dans un pub avec mes warmshowers. Tout en partageant quelques déhanchés sur le dancefloor avec la copine d’Arul et je me fais la réflexion que ça a quand même du bon d’être de retour dans un pays non majoritairement musulman pour pouvoir savourer une bonne bière, cidre ou vin.
Un pauvre palmier sur la plage se fait refaire le brushing par le vent tandis que la mer bien agitée m’offre une magnifique couleur brune. Loin de la plage paradisiaque de carte postale, j’observe mes premiers paysages thaï en affichant un air contrit et déçu. Je me console par un excellent pad thaï servi dans les nombreuses bicoques de street food sur mon chemin.
« Suuuuumertiiiime and the living is easyyy. Fish are « Vroooooooum » Super, les passages des camions couvrent Ella Fitzgerald. La route est très empruntée, elle n’a rien de beau, il pleut et j’ai du vent de face pendant les 300 km qui me séparent de Koh Samui, ses eaux translucides et ses plages de sable blanc. J’active mes gambettes en écoutant ma musique pour tuer l’ennui de la route. Une autre cyclo solo belge, Loes/Lucy, avec qui je suis récemment en contact m’y attend pour partager une bière sur la plage, cette perspective fini de me donner la motivation nécessaire pour mettre la gomme.
Lundi 9 décembre il est 16h, j’ai 120km dans les pattes depuis le début de la journée et Buffalo prend son premier cargo-ferry. Je suis fière de le voir tout petit mais vaillant (comme kirikou, oui oui) parmi toutes ces voitures, camions et autobus. La traversée d’une heure et demi me permet de m’empiffrer d’un paquet de biscuits au chocolat, d’un autre de M&M’s et de terminer par un kinder bueno. L’estomac du cyclo est un gouffre sans fin. Il me reste 25 km pour atteindre l’auberge où Loes m’attend pour partager le repas et les bières. Record personnel battu (147,6 km) j’arrive à la tombée de la nuit, en sueur mais un grand sourire aux lèvres.
Nous, à la Full Moon ? On éclate de rire. Face à nos verres de gin tonic on doit ressembler à deux copines qui se retrouvent pour les vacances alors qu’on ne se connait que depuis 1h. Dans deux jours se déroule une des plus célèbres fêtes de la planète : la fête de la pleine lune sur l’île en face de Koh Samui (Koh Phaghan). Vu que le destin a décidé pour nous, on prend un ferry le lendemain avec Eddie (le vélo de Lucy) et Buffalo pour une auberge de jeunesse avec piscine et tout le toutim.
« Moui ça a l’air d’être ça » je lance à Loes. La piscine est tellement dégueulasse qu’elle ne donne même pas envie d’y tremper un doigt de pied. Je regarde les photos de notre réservation, je regarde l’hostel, je re-regarde mon téléphone. On re-vérifie l’adresse de l’auberge qu’on a évidemment déjà payé, il n’y a personne à la réception et le lieu semble abandonné. Est-ce qu’on se serait fait avoir comme deux touristes néophytes ? La réceptionniste arrive quelques minutes après, on lui fait bien comprendre qu’il n’est pas question qu’on dorme ici. Elle s’excuse en nous disant qu’elle pensait fermer l’hostel et nous propose d’annuler la réservation sur booking en expliquant la situation.
Vingt minutes plus tard et 1 km plus loin, on a négocié une chambre double privée dans un hôtel de rêve avec piscine et plage privée pour le double du prix de ce qu’on l’on avait décidé de payer pour l’auberge de jeunesse mais qu’importe c’est les vacances et ça reste vraiment pas cher (14,75€/nuit/personne). Je suis néanmoins fascinée par notre capacité à payer plus que le budget prévu une fois que l’idée s’est immiscée dans notre cerveau. Les publicitaires ont encore une longue vie devant eux.
Nos neurones sont en vacances pendant trois jours. Affalées sur les lits, on regarde un film de Noël sur netlflix après avoir survécu à la soirée pré-full moon la veille. Sur cette île c’est plage, piscine, bouffe, soirée en mode repeat. Même si j’assouvis ma soif de plage paradisiaque, danse et fête, cette ambiance de déchéance m’écoeure vite. L’alcool et la musique sont de mauvaise qualité, la plage est bondée de gens prêts à embrasser le/la première venue pour cette « Full Moon ». Cette fête est dénuée de tout charme. Bon au moins je pourrais dire que je l’ai faite.
On s’échappe de cette ambiance pour visiter Koh Tao, plus petite et plus éloignée des trois îles du sud-est de la Thaïlande. Déception à nouveau, cette île est magnifique mais sur-exploitée par la tourisme. Impossible de camper, tous les centimètres de plage sont exploités par des resorts qui font payer les accès à plusieurs plages et aux points de vue de l’île. Bienvenu en Thaïlande, le pays le plus touristique au monde !
Cinq jours de break j’ai déjà hâte de retrouver outre mes neurones, Buffalo, le plaisir du camping et de la découverte de l’authentique Thaïlande. On s’octroie cependant un dernier plaisir occidentalo-coupable avant de repartir vers des zones moins touristiques: un bon restaurant italien ! Je n’ai pas mangé de bonne pizza depuis des lustres et je déguste ma quatre saison avec appétit.
5h du matin, on débarque du cargo-ferry où l’on a passé la nuit pour rejoindre la ville de Chumphon. Une thaïlandaise se marre en nous voyant nous laver les dents après notre petit déjeuner royal en camping improvisé devant le 7-eleven (supermarché local). Le soleil brille quand on arrive devant un panneau totalement inattendu annonçant une piste cyclable avec écrit « Royal Coast Road - scenic route ». Notre remontée d’environ 700km par la côte vers Bangkok s’annonce belle.
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