Un gamin sur la route me mime un stop de la main. J’ai un mauvais pressentiment. En route pour déposer une demande incomplète pour mon visa chinois, je suis en retard sur mon planning car l’agence qui devait me fournir sous les 12h mon « faux » billet d’avion pour la Chine ne me l’a pas envoyé. La procédure prend 4 jours ouvrables, si je ne dépose pas ma demande de visa aujourd’hui je risque de devoir attendre la fin des festivités du nouvel an chinois. La préparation du dossier m’a pris pratiquement une journée entière : compléter le formulaire, faire un itinéraire et réserver toutes les nuits d’hôtels de mes 60 jours de voyage. La perspective de devoir rester coincée à Chiang Mai pendant deux semaines me déprime. Je hais la bureaucratie, je hais les visa, je hais ces frontières qui divisent les gens et ne font qu’emmerder leur monde, je peste tout en cherchant un moyen de réserver un nouveau billet d’avion remboursable.
Je souris malgré tout en me disant que c’est la première fois depuis longtemps que je roule stressée sur Buffalo un lundi matin. En arrivant au consulat une fonctionnaire m’accueille avec un grand sourire. Elle me guide sur les derniers documents à compléter tout en m’indiquant l’ordinateur disponible et l’imprimante pour que je réserve un billet d’avion aller vers la Chine afin de fournir un dossier complet. Elle me prévient que l’ambassade ne fournit que des visa de 30 jours renouvelables une fois en Chine mais que je vais à priori pouvoir récupérer mon visa juste avant la fermeture pour nouvel an.
L’odeur du baume du tigre me sature les narines. Un homme agite des billets pour inciter les spectateurs aux paris. Le club de boxe où s’entraine Loes pendant une semaine présente un boxeur américain à la compétition de boxe de Muay Thaï, on vient soutenir le compétiteur. Notre champion prépare ses bandages à l’arrière. Les boxeurs en joutent arborent un joli bandeau coloré et dansent sur le ring. Ils font leur rituel avant le match au son de la musique traditionnelle. Je jette un coup d’oeil à la salle remplie de touristes. La plupart sont tatoués de partout comme 90% des touristes que j’ai croisé en Thaïlande. Je suis curieuse. Les derniers matchs de boxe que j’ai vu remonte à longtemps et c’était de la boxe anglaise sensiblement différente de la boxe thaï. Les matchs de Muay Thaï se déroulent en 5 rounds (sauf forfait ou KO), semblable au kick-boxing les coups peuvent être portés par les poings, pieds, genoux et coudes. Dans la pratique, les matchs que nous allons voir sont semi-pro, les coups de pied, genoux et coude sont donc proscrits à la tête pour préserver les boxeurs.
« Doooown to facing dog » répète notre prof de Yoga. J’avais besoin d’exercice et bien là je suis servie. Tout en jetant un regard aux autres élèves qui s’appliquent élégamment à se plier en 4, je n’arrive plus à distinguer mon pied de mon épaule et j'ai l'impression d'être un pachyderme qui essaye un pantalon slim taille XS. La prof nous libère après deux heures de cours intensif. La bonne leçon du jour c’est que j’ai encore une bonne marge de progression en souplesse et musculation.
J’enfourche Buffalo pour grimper la colline en face de la ville où se trouvent deux jolis temples. Le premier temple à une quinzaine de kilomètres, très touristique, est bondé. La vue sur Chiang Mai est bouchée par la pollution. Un peu triste. Le deuxième temple en contrebas est un peu caché dans la jungle. Il semble presque secret ce qui lui donne davantage de charme. Je finis la journée par retrouver mon café de la ville préféré qui fait les pains au chocolat presque bien.
Je sens les effluves du parfum de Jerry pendant que mon colocataire de dortoir hollandais conduit la moto. Il sent bon. Je ne sais pas où l’on est et je ne sais pas où l’on va. Je savoure ce sentiment agréable de lâcher prise. « This way » nous lance Chris, le proprio de l’hostel. La bande composée de 8 gars de l’hostel et moi grimpons les derniers mètres pour découvrir une splendide vue de la vallée boisée aux alentours de Chiang Mai. Je pense à Buffalo. Vu les kilomètres parcourus en scooter et la grimpe bien raide pour atteindre le sommet, j’aurai mis au moins une bonne journée pour arriver ici avec lui. Chris nous fait découvrir outre le point de vue, une cascade et un magnifique village de jolies maisons traditionnelles en bois.
Le soleil se couche doucement sur la route du retour. Jerry et moi sommes tellement pris par nos discussions qu’on fini par perdre le reste du groupe. Le ciel rouge orangé n’est interrompu que par les montagnes au loin. C’est beau. L’air s’est tiédi. Une heure de route chaotique plus tard on est surpris d’arriver à l’hostel les premiers après Chris qui a perdu le reste du groupe aussi. Quelques minutes plus tard, on est néanmoins tous réuni bières à la main autour de la piscine pour se remémorer cette escapade collective. Je souris silencieusement car les gars ont l’impression d’avoir vécu l’aventure du siècle. Je n’ai pas eu envie de surenchérir, j’ai apprécié l’après-midi et je n’ai pas envie de paraître hautaine mais je ne peux m’empêcher de penser qu’on est bien loin de l’aventure qu’offre un voyage à vélo. Depuis ce matin, j’ai mon visa chinois en poche et j’ai hâte de remonter sur Buffalo demain.
Quel plaisir de rouler dans ces paysages de campagne aux couleurs automnales. Il fait bon. J’ai le sourire aux lèvres malgré les traits fatigués de la soirée BBQ de l’hostel la veille. Rouler, sentir le vent sur la peau, les cuisses dans l’effort tirer toute ma maison, se sentir libre. Enfin presque libre.
Même si je suis heureuse de reprendre la route je suis frustrée. J’ai « trop » de jours et comparativement « trop peu » de kilomètres à mon goût pour rejoindre Vientiane à travers une route avec peu d’intérêt touristique. Je n’ai droit qu’à un mois de visa de voyage au Laos et j’y passe déjà 20 jours à vélo avec un de mes meilleurs amis, Corentin. Je fais une croix sur la route qu’emprunte la plupart des cyclo de Chiang Rai à Luang Prabang car j’userai de mes précieux jours au Laos. Impossible de faire un détour par le Cambodge avant de rejoindre mon ami au vu des jours et des kilomètres que cela impliquerait (hé oui la Thaïlande c’est grand). Inspiration, expiration. C’est la vie et puis ça m’apprendra à prendre mon temps.
« Prendre le temps » plus facile à dire qu’à faire, j’ai envie de rouler et je me rends compte que non seulement j’ai du mal à m’arrêter mais j’ai du mal à rouler lentement. J’aime l’effort, le challenge et là rien ne sert de me presser car je serai « coincée » à la frontière. J’emprunte une petite route sinueuse très escarpée qui manque de m’époumoner pour arriver aux abords d’un parc national. Il est midi, la vue est splendide et il est possible d’y camper. A peine le campement installé, je randonne jusqu’au sommet de la montagne. J’inspire un grand bol de l’air frais et naturel que dégage le parc. J’expire profondément. Cette semaine sera une épreuve en soi : apprendre à aller lentement, à prendre le temps et à vivre avec ses frustrations.
Fais-toi des routines de Pilates 😜 et de yoga 🧘♀️ bises tout plein 😆