Parfum de liberté le temps de quelques heures pour ces jeunes qui se déhanchent sur de la musique turque à fond dans les baffles de l’appartement de cette jeune fille qui fête ses 17 ans. Les filles sont en talon, tenues juste au corps, maquillées et sans voile. Maman chaperonne le tout avec bienveillance. Vers 20h elle reçoit un appel d’une voisine qui sonnera la fin de soirée car la police a été visiblement alertée et pourrait arriver d’un moment à l’autre.
Mohammed et sa famille nous accueille Jean-Christophe, un ami de mon cousin en trip à vélo également, et moi comme des membres de leur propre famille. Masoumeh et Ibrahim les parents de Mohammed nous prépare leurs meilleurs mets pour nous faire découvrir la cuisine iranienne (köfte, kebab, boissons au yaourt, salade de concombre et yaourt, dessert, riz iranien au safran etc.). Un régal pour nos estomacs et nos papilles. Mohammed nous promène à travers Tabriz renommée pour sa cuisine et ses magnifiques tapis d’orient. Sentir les odeurs, voir les milles couleurs du plus grand bazar couvert du monde, je suis contente de déambuler dans la ville avec un local pour en apprendre davantage sur la culture iranienne. On goûte les boissons locales : de sorte de limonade avec des graines dedans et des bières (sans alcool évidemment) aromatisées aux fruits.
Moment d’intense partage à travers les saveurs entre nos cultures. Au-delà de la langue, de nos différences, nos papilles nous rassemblent. Masoumeh nous apprend comment cuisiner les köfte à la mode Azeri (l’Iran est en fait un pays complexe où plusieurs cultures se côtoient, les azeri sont assez proches des turcs et azerbaïdjan tant dans leur langue que leur cuisine et culture en général). JC essaye de deviner les ingrédients qu’il faut et nous tentons de noter la recette pour refaire le plat à l’occasion. Toute la famille met la main à la pâte pour préparer la repas et nous observer préparer des desserts typiques de chez nous : un far breton et une mousse au chocolat.
Je repartirai de Tabriz enrichie de ces échanges culinaires et ces moments de partage et découverte en toute simplicité.
Les paysages sont arides mais la chaleur est supportable même si intense l’après-midi particulièrement pendant que nous pédalons vers Teheran. A gauche une chaine de montagne occre, à droite le désert, au centre nous, un semblant de cours d’eau et une vallée agricole (pastèques, riz, melon, vignes, maïs, pommes, pistaches). Il nous faudra environ 6 jours pour rejoindre la capitale iranienne. Pause photo de locaux qui souhaitent poser avec nous, klaxons par centaines et cadeau de melon et pastèque (que nous tentons tant bien que mal de refuser au vu de leur volume et de leur poids) rythment nos journées de vélo.
Un homme tend son téléphone à JC qui se retrouve à discuter en anglais avec un inconnu au bout du fil aux abords de Mianeh. Difficile d’être tranquille en Iran, les habitants sont tellement heureux de voir des touristes qu’on est assailli dès qu’on pose un pied à terre ou que l’on passe dans une ville. On finira par se faire accueillir pour le repas et le thé chez un couple d’iranien. Lors d’une de nos pauses dans un restaurant vide, si ce n’est le tenancier, un homme arrive et demande s’il peut faire une photo avec nous. Là s’en suit un sketch d’une bonne vingtaine de minutes où l’on se fait tirer le portrait sur toutes les coutures dans ce petit restaurant de passage. Bref difficile d’être tranquille en Iran, leur gentillesse, hospitalité et curiosité dépassent largement nos habitudes.
« Who is she ? », un homme d’une cinquantaine ou soixantaines d’années a interpellé JC pour entamer la conversation avec lui dans un anglais sommaire et sans un regard pour moi il demande à JC qui je suis, comme si j’étais un vulgaire animal de compagnie d’un homme. Ca nous fait bien rire après coup tellement la situation était grotesque mais cela ne sera pas la seule fois où JC se fait interpeller, il discute, je suis à côté mais je n’aurai pas droit à un regard et à la fin le goodbye sir servira de coup de grâce pour remettre dans ma condition de femme insignifiante qui n’existe pas. Honnêtement à porter le voile en permanence tu en viens à douter si tu es habillé de manière décente lorsque les regards des hommes (et des femmes aussi) se portent sur toi. Bref pas évident la situation de la femme ici, malgré tout, elles ne sont pas légion mais j’ai vu plusieurs à vélo, à la salle d’escalade (oui on a vu une salle d’escalade à Zanjan) ou faire du sport. Elles sont néanmoins discrètes et sont souvent à la maison pendant que leurs maris travaillent.
Behnam et Mesmeh, comme l’ensemble des jeunes iraniens que nous rencontrons veulent partir vivre ailleurs. En Allemagne pour la plupart certains par voie légale d’autres en migrant illégalement malgré les risques. Ils veulent échapper à la situation économique désastreuse du pays et sont lassés de leur gouvernement et des chamailleries avec les Etats-Unis qui les empêchent de voyager ou mener leur entreprise (le dollar est très cher pour eux).
J’ai l’impression d’être Marylin Monroe, mon T-Shirt long et large (pour ne pas montrer mes formes comme cela est souhaité en iran pour les femmes) s’envole et me déshabille avec le grand vent de ce matin et les passages des camions créant des appels d’air. Pas sûre que cela soit for au goût du leader suprême, petit ricanement intérieur. A notre gauche les montagnes sont comme recouvertes d’une cape de nuage. Les nuages sont si proches des montagnes comme pour les enlacer, c’est beau mais le vent nous fatigue, les quelques minutes d’accalmie de temps en temps nous permettent de respirer un peu.
J’ai la sensation d’être une plume qui subit le vent. Difficile de tenir sur les vélos et de maintenir le cap, le vent nous balaye régulièrement sur le bas-côté de la route. On cherche un endroit de campement dans une petite bourgade où nous avions repéré une « forêt » sur la carte. Il n’a pas fallu deux minutes pour qu’un homme avec deux enfants nous propose de nous loger. On hésite mais on finit par le suivre. Surprise! Il nous dépose à la Mosquée. Va-t-on dormir là ? Séparés, JC se retrouve avec les hommes et moi les femmes, on ne comprend pas bien ce qui va nous arriver, la journée a été longue, on est fatigué, on aimerait prendre une douche et manger. Après la prêche de l’imam, Hassan, un professeur d’arabe, nous propose de nous loger. On passera la soirée chez lui avec sa femme Soheila, sa fille Razie et un voisin qui souhaite absolument trouver une femme française et qui après m’avoir demandé si je voulais bien l’épouser souhaite qu'on l’aide à trouver une épouse française. JC se marre pendant que je tente d’expliquer à l’aide de google trad au voisin le concept de l’amour et la manière dont les couples se forment chez nous.
« Japan ? » demande un iranien propriétaire de plusieurs hectares de terres agricoles lors de notre pause du matin à JC. C’est la rencontre improbable de la journée entre JC (qui parle un peu japonais et s’y rend en vélo) et ce propriétaire qui parle japonais (il y a vécu 6 ans). La situation me fait sourire, il y a des moments où le hasard fait bien les choses.
On avance toujours vers l’Est à la dioxyde de gambettes. Arrivée à Téhéran prévue demain !
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