9h du matin, Mashhad - « System don’t work. Come tomorrow » nous assène dans un anglais approximatif l’employée de l’ambassade turkmène devant nos mines déconfites espérant récupérer nos visas avant de rejoindre la frontière. « Comment ça le système ne fonctionne pas ? On va vous le réparer nous, y a des ingénieurs ici. Est-ce qu’on peut au moins savoir si on a eu nos visas ? » Le petit sas qui nous permet de communiquer avec l’employée se referme laissant un petit attroupement de touristes sur la carreau de visa turkmène avec pour seul espoir que demain le système fonctionne. JC, Yannick et moi avons prévu de repartir le lendemain car nos visas iraniens expirent bientôt et que notre visa Turkmène débute normalement le 28 août pour se terminer le 1er septembre. N’ayant déjà que 5 jours pour traverser les 530km de désert, il ne serait pas avisé de se pointer en retard à la frontière. Ah ce désagréable sentiment d’être à la merci du bon vouloir d’un système administratif, je pensais l’avoir quitté en lâchant le boulot pendant un an mais me voilà à nouveau prise dans bel étau administratif.
Tel un pingouin couverte d’un draps avec des petites manches en plus de mon accoutrement d’iranienne, je sue en écoutant religieusement notre guide lors de la visite de la Mosquée de l’Imam Reza. Cette mosquée est sacrée pour les musulmans chiites car elle contient la sépulture de l’Imam Reza l’un des 8 imams sacrés pour l’Islam chiite. Le site de la mosquée est immense et contient une bibliothèque, une cantine, une école, une énorme mosquée scintillante.
Heureuse d’être là, je profite d’une douce mélodie et un chant iranien chez Hussein qui nous accueille pour le repas. Il a invité des amis musiciens qui nous font l’honneur de jouer un peu de musique traditionnelle iranienne. JC guitare à la main est invité à jouer lui aussi et on tente de faire quelques morceaux à deux pour partager plus que des mots avec nos hôtes. L’ami d’Hussein tente de nous accompagner avec sa percussion. J’aime quand les cultures, traditions et connaissances se mêlent pour créer ensemble. Sans se parler, chacun se oncentre pour écouter, improviser et s’aligner pour participer à la création : c’est beau.
9h du matin - ambassade du Turkmenistan à Mashhad - « Today is Holiday. Come tomorrow.». C’est une blague ? Elle se fout de nous cette employée ? Elle nous a déjà dit de revenir hier. Nos cerveaux turbines pour trouver une solution à cette impasse. JC traduit avec google traduction en russe à l’employée qui ne maîtrise pas l’anglais qu’on aimerait qu’elle appelle l’ambassade à Teheran (que nous sommes dans l’impossibilité de joindre depuis 1 semaine) pour savoir si au moins nous avons nos visas. Elle finit par nous donner des numéros en nous disant qu’on pourra récupérer les visas à la frontière. Rien n’est moins certain mais au point où en en est autant faire les 200km et on verra bien.
Nos petits numéro en poche, nous sommes désormais 4 cyclistes français à rouler vers le Turkménistan (JC, Yannick, Luca et moi). La route s’étend en ligne droite dans le désert. Ces paysages désertiques etdénivelés sont magnifiques et le coucher de soleil est envoûtant sur la route entre Mashhad et Sarakhs. Le trafic est moins dense et la région moins peuplée. Erintés de notre journée qu’on termine de nuit, on dormira tous les 4 à la belle étoile face à une mosquée à l’entrée d’une petite ville à mi chemin entre Mashhad et Sarakhs.
Sarakhs est une ville glauque qui sent le trafic et le truc pas net, je ne me sens pas à l’aise même avec mes 3 bodyguards. On est démotivé. Taz, un cycliste tunisien rencontré à l’ambassade a tenté de traverser la frontière aujourd’hui et s’est fait refoulé car le poste de dispose pas de l’outil pour sortir le visa. Il part pour l’autre poste frontière à 450 km de là en bus où il espère passer demain. Son visa iranien a expiré déjà, il a eu droit à un jour d’amnistie mais demain il doit sortir. Après avoir tourné le problème dans tous les sens, fait des appels à des amis, on décide de tenter le coup malgré tout et camper devant le poste frontière à 5km de là après avoir mangé dans un restaurant interminablement long alors qu’on avait commandé juste 4 pizzas. L’Iran était une expérience inoubliable mais extrêmement fatiguante surtout que nous avons maintenu un bon rythme et les pauses sont intenses en rencontres et échanges. Rien n’y est simple, rien n’est calme, je sens que j’étouffe, j’aspire à sortir du pays pour me reposer un peu.
"Ça y est les mecs, on est au Turkmenistan" je m’écrie tout sourire. Début d’aprèm, le compteur de JC affiche 60° degrés et je suis contente d’être ici dans une des pires dictatures du monde pour entamer 5 jours de traversée dans un désert. C’est quand même bizarre la vie parfois.
Yannick explique visiblement éméché à JC au téléphone (on capte encore le réseau iranien) qu’ils sont à la vodka et qu’ils ne redémarreront pas tout de suite. Pendant que nous avançons JC et moi sous un soleil de plomb vers Mary Lucas et Yannick se sont fait embarqués dans un traquenard alcool à la sortie de l’Iran.
Je bois l’eau brûlante de ma gourde, ça ne rafraichit pas mais ça nous hydrate. « Il affiche combien ton compteur? - 35° me répond JC. Je me disais bien qu’il faisait plus frais - sourire. Le paysage turkmène est désertique type désert de sable avec des petites touffes de végétations par ci par là. Rien à gauche, rien à droite et une ligne droite vers l’horizon. On ne croise que peu de hameaux ou de magasins même si nous sommes agréablement surpris d’en croiser plus que nous ne pensions.
Des dromadaires! On est tout excité de voir de vrais dromadaires pépères dans le désert. Malgré les mouchettes, les moustiques, la fatigue, la chaleur, la route dégradée, le coucher de soleil vaut son pesant d’or dans le désert turkmène.
Plein d’hommes bedonnant sont affalés sur des tapis dans le restaurant qu’on avait visé comme endroit de campement 100km plus loin auquel on arrive tard surtout parce que le passage de frontière nous a pris la matinée. Nous voilà dans un restaurant turkmène à manger une forme de soupe à la viande de mouton en compagnie de camionneurs qui ne parlent pas un mot d’anglais et veulent savoir d’où nous venons et nous prendre en photo. On rigole bien en leur compagnie en partageant notre première bière turkmène au doux nom de « Berk » après un mois d’abstinence en Iran avant de camper juste devant le restaurant.
Les femmes turkmènes sont magnifiques et ne laissent pas indifférents mes trois compagnons de voyage. Elles portent toutes de belles robes ongues avec un motif sur le devant. Grand nez, teint mat, long cheveux tressés pour la plupart autant dire qu’elles ont la classe.
J’ai l’impression d’être dans une fausse ville. Mary est propre. Trop propre. Les bâtiments sont tous blancs avec un toit vert et des motifs octogonaux dorés. L’ambiance au Turkménistan est étrange presque irréel.
« I am not in a fucking bollywood movie » tranche de rire, sur la terrasse de notre hostel nous partageons une bouteille de vodka avec S. que nous avons rencontré à Mary et qui nous explique comment il a rencontré sa femme. On en revient pas, il s’est marié il y a deux mois après avoir rencontré sa femme deux mois auparavant. S. est d’une gentillesse infinie, il nous balade dans la ville, nous fait découvrir chez lui, offre un petit chapeau turkmène à JC et propose de me faire livrer la robe turkmène que je souhaite me faire faire sur mesure à Turkmenabat lorsque nous y arriverons deux jours plus tard. S. nous parle aussi de la dictature, la corruption des policiers et du président turkmène édictant des lois absurdes comme la nécessité d’avoir uniquement des voitures blanches (parce qu’il aime le blanc).
Après 40km de désert on tombe sur une aire d’autoroute où la responsable du restaurant qui ressemble à une maquerelle de bordel propose de m’échanger contre une turkmène qui continuerait le voyage avec JC. Proposition de rester dans un bordel pour camionneurs au Turkménistan check !
Soleil couchant, dromadaires et cuisson de shashlik (brochettes de viande de mouton ou poulet cuites au barbecue typique depuis l’Arménie) décorent notre nuit à la belle étoile rincés après nos 125 km. Le lendemain on attaque les 135 km (dont 96 km de complet désert) qui nous sépare de Turkmenabat dernière ville d’importance avant la frontière Ouzbek. Sur la route une voiture s’arrête devant nous et le conducteur me tend le téléphone il tient un petit sac plastique à la main. « Allô? » S. est au bout du fil et m’explique qu’il a envoyé la robe confectionnée à Mary avec cette voiture. Parfait ! Livraison express au bord de la route check ! Le Turkménistan est plein de belles surprises.
La foule se bat pour acheter du pain. Le boucher fier soulève son mouton dans le marché de Turkmenabat lorsque je le prends en photo. Les vendeuses de pommes insistent pour nous offrir des fruits. Le marché nous offre ses couleurs, ses odeurs, on craque pour écouler nos derniers manat (monnaie turkmène) avant de passer la frontière début d’après-midi.
Une voiture s'arrête 4 gaillards proposent un shot de vodka à JC qui prend ce remontant pour finir la route. Oui l'Iran est loin déjà on est en Ouzbekistan. C’est la rentrée en Belgique et moi je passe ma cinquième frontière. 5445 km à mon compteur, presque 3 mois de voyage, on est à Bukhara depuis le début d’après-midi on prévoit d’y rester deux nuits pour se reposer un peu. Le temps me semble avancer vite. La mythique route du Pamir n’est plus si loin.
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