« Do you know Tarkan ? » Euh, comment dire c’est le seul chanteur turc que je connais. On est samedi soir et me voilà embarquée dans une soirée turque 100% typique de Hopa avec Yusuf mon hôte. L’alcool coule à flot ce soir (bières, vins, whiskey), il semblerait que j’ai dépassé la frontière conservatrice. « Are you sure, she is not Turkish ? » Yusuf me rapporte que ses amis trouvent que je danse mieux qu’eux et commencent à douter de mon origine. Je ris en mon for intérieur et remercie mon papa pour l’apprentissage des pas de salsa et la bougeotte constante à l’écoute de n’importe quel son.
Le lendemain, il pleut toujours. De toute façon au programme : lazy sunday. Je goute un petit déjeuner local une sorte de fromage sous forme de fondue (Kuymac, une spécialité de la côte de la mer noire). On se mate un film, on se balade, je prépare la suite de mon programme. Je n’aurai pu passer ce dimanche pantouflard avec un meilleur hôte, Yusuf est une personne très calme et posée.
« But what are your origins ? » Le policier à la frontière géorgienne ne s’en sort pas avec mon passeport français, mon domicile en Belgique et ma tête de.. bref. Il me demande plus directement si j’ai des origines arabes. Visiblement ils ont pas l’air funky si tu réponds oui. Tellement étrange puisque de l’autre côté de la frontière, il y a beaucoup de tourisme des émirats au point où tout est traduit en arabe. En quelques kilomètres, la culture, les gens, la vie et les habitudes peuvent changer beaucoup. Ici tout est traduit en russe (mais ça ne m’aide pas beaucoup plus ceci dit).
Batumi, la première ville frontalière est une sorte de station balnéaire type Las Vegas pour Russes. Casinos, strip-club, marijuana tu peux trouver tout ce que tu veux ici. J’ai décidé de passer rapidement la ville pour profiter d’une semaine dans les montagnes du nord de la Géorgie (Svaneti) avant de retourner vers la plage pour retrouver Orianne. J’avoue avoir hâte de retrouver mon amie. Je n’arrive pas à déterminer si c’est parce que je me sens déjà seule ou si c’est plutôt parce que je sais qu’elle arrive bientôt.
La vie des géorgiens a l’air si paisible, je croise sur ma route des vaches, des cochons, des chevaux, des oies, des dindes, des chèvres, des moutons. Les maisons et les espaces sont grands. Il y a peu d’habitants en Géorgie (ça me change de la Turquie). En comparaison avec la belgique la superficie est deux fois supérieure avec seulement 3,5 millions d’habitants sur le territoire. Pas toujours simple de slalomer à travers tout cette bassecour mais j’avance doucement vers le Caucase.
Je sens que l’été arrive et avec lui son lot de cyclotouristes. Arrivée à Jvari, je me joins à trois soeurs anglaises en voyage vélo : Shawn, Hanna et Molly pour partager une bière et quelques bonnes blagues. Faut s’en sortir avec le géorgien, pas le même alphabet, ils ont 33 signes et pas 26 du coup vas-y pour tenter de comprendre ce qui est écrit. Les commandes se font à l’aveugle. La tenancière du restaurant insiste pour qu’on campe chez elle. Mais elle n’a pas de pelouse. On lui dit qu’on trouvera autre chose, qu’elle ne doit pas s’inquiéter pour nous mais elle veut absolument nous trouver un lieu et demande à la police où est-ce qu’il y aurait un bon endroit.
On finit toutes les quatre escortées par la police à leur poste pour camper chez eux : ils ont une grande pelouse, une toilette et une douche : le rêve.
Finalement pas si idyllique que ça, entre les beuglements des vaches, les hennissements des chevaux, les aboiements des chiens et les croassements des grenouilles qui semblent s’être données rendez-vous juste devant ma tante, je dors peu et bénirai plusieurs fois un couple d’amis qui m’a conseillé de prendre des bouchons d’oreille qui m’ont permis d’avoir malgré tout quelques heures de sommeil. Au réveil : surprise de campeuse non expérimentée les chiens ont mangé mes victuailles. Leur butin : deux pêches, un pain entier, un saucisson de jambon et un petit pain fourré à je ne sais pas quoi parce que j’ai pas eu l’occasion de goûter. Heureusement pour moi, il me reste un peu de pain rassis et un peu moisi et du miel pour petit-déjeuner, lucky me !
Un vieux remix dégueulasse de « Voyage Voyage » version géorgienne résonne dans l’autoradio. Après avoir grimpé une dizaine de kilomètres, une famille me klaxonne et insiste pour m’amener vers Mestia en me faisant comprendre que c’est bien loin (c’est vrai que 110 km en dénivelé sur la journée c’est ambitieux). Je refuse, ils insistent et puis je fini par accepter en me disant que je vais pouvoir être un peu plus cool dans mon programme un peu trop chargé. Finalement, les deux femmes et l’enfant sont débarqués à environ 40 km de Mestia. Je tente d’expliquer que je peux récupérer mon vélo et continuer en roulant mais impossible le monsieur insiste pour m’amener à destination. Arrivée à Mestia, le chauffeur nettoie sa voiture et sort un petit voyant jaune de taxi. Je le remercie, m’apprête à partir mais un de ses amis me fait signe qu’il souhaite de l’argent. Evidemment, j’aurai du m’en douter. Il me demande 20 lira géorgienne (l’équivalent de 6€). Grrr, je me suis faite avoir mais finalement j’ai payé l’équivalent de 10km de course classique alors que j’en ai fait 100. Je suis un peu fâchée sur moi-même mais je me calme vite en profitant du beau temps, de mon arrivée tôt à Mestia et de mon trek d’une dizaine de kilomètres vers les monts du Caucase. La vue des monts enneigés est à couper le souffle et de nature à apaiser tous les maux de la terre. Que c’est beau !
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