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Una Bruja en Bici

Une année en vivant libre à vélo

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Vélo, philo et résilience 

Mon corps perle de sueur tout en poussant Buffalo dans ce sentier très dénivelé et rocailleux qui devrait me mener à un temple bouddhiste ainsi qu’à une magnifique cascade. C’est à ce moment là que la pluie tropicale de fin de journée décide d’éclater. Désormais dégoulinante d’un mix de pluie et de sueur je m’accroche à la perspective de la baignade dans la cascade et ma nuit de camping seule, posée avec le temple pour abri. L’orage a aussi comme effet positif de me soulager des milliers de piqures de moustiques que je collectionne dans l’effort mais malheureusement il n’accélère pas ma vitesse pour ces 2,5 km qui me sépare du temple. Il me semble si lointain.

Zut je ne suis pas seule, une moto est cachée dans les fourrés. J’aperçois au loin des instruments de travail, du matériel de construction, des habits, une sorte de cuisine de fortune bref pas besoin d’être un génie pour en conclure que quelqu’un si ce n’est même plusieurs personnes vivent ici le temps de faire des travaux autour du temple. Je n’ai fait que 60 km aujourd’hui mais en partant tard de Kuala Lumpur. La faute au cadeau de noël de Buffalo (dont je trimballe d’ailleurs le poids depuis). J’ai en effet du attendre l’ouverture du magasin de vélo à midi pour acheter mes deux précieux pneus schwalbes marathon plus.

Il va faire nuit, je suis fatiguée et vu l’effort pour arriver ici je ne vais certainement pas rebrousser chemin. J’aperçois un espace qui semble faire l’affaire à l’écart du sentier, il y a une cascade et de grandes boites en bois couvertes de bâches. Des statues bouddhistes, j’imagine. Une accalmie me permet d’’installer le campement sur la boite (en hauteur parfait) et de me laver rapidement dans la cascade avant la nuit pour me faufiler dans la tente et éviter les sangsues que j’ai vu se balader en installant le campement, les moustiques qui continuent de me piquer joyeusement et les serpents, animaux principalement nocturnes, que je n’ai pas encore aperçu mais que je préfère éviter de rencontrer en pleine nuit. A peine sous ma tente, la pluie reprend.

Première journée de reprise de vélo en Malaisie épique, je me fais la réflexion que le camping dans la jungle n’est décidément pas des plus simples. J’aspire à trouver un chouette endroit de camping où je puisse sortir mon réchaud, me faire un thé, et profiter de l’extérieur plutôt que l’humidité et exiguïté de ma tente.

La jungle m’offre ses plus belles lueurs lors de la descente du sentier, une palette de différents tons de vert se dévoile entre les collines et les rizières tandis que le soleil se glisse dans les interstices disponibles entre les plantes et le relief. Et pffiiut en un éclair l’effort de la veille se dissipe. Je savoure mon amour du sport, de la nature et la beauté du moment. Je reçois un pouce levé accolé d’un sourire édenté d’un vieillard à vélo pendant que je traverse la jungle et les plantations d’huile de palme. La route est paisible, le traffic est très calme. Je lui rends son sourire. Une petite fille m’aperçoit et me sourit de ses belles dents blanches tout en me saluant vigoureusement. J’aime sourire aux personnes que je croise sur la route.

Sous un abri, je coupe mes petits légumes tout en faisant chauffer l’eau de mes pâtes pendant que l’orage se déchaine. Cette mosquée s’est avérée un parfait endroit de camping. Ma tente a séché et ne sent presque plus mauvais, il y a une douche, des toilettes et des abris avec table et bancs. J’ai même une prise de courant. Le luxe ! Je me sens en sécurité ici, à la vue des nombreux fidèles mais sous la protection de l’imam. J’en avais besoin après une mauvaise rencontre quelques heures plus tôt. Tout en étant pas religieuse moi-même je me dis que ça a quelquechose de pratique quand même ces lieux de culte.

La route est sinueuse pour atteindre les Cameron Highlands, ces hauts plateaux célèbres pour leurs magnifiques champs de plantation de thé. La veille j’ai souri à un mec en scooter sur le bord de la route qui s’est du coup permis de me toucher les fesses à deux reprises malgré mes protestations. Je devrais profiter de cette route déserte mais il a réussi à me faire peur ce con. Je passe le reste de la route à regarder s’il ne revient pas à nouveau me chercher des noises en cherchant des yeux des lieux de repli ou d'aide éventuelle. Cet incident est survenu juste deux jours après qu’un autre mec en scooter sans crier gare me pelote le sein sur l’autoroute à Kuala Lumpur. J’ai juste eu le temps d’expulser un gros cri de frayeur. Ces épisodes me fatiguent et m’énervent pour ne pas dire qu’ils me minent. Heureusement, j’avais récemment fait l’acquisition d’une carte sim et l’accès aux réseaux sociaux me permet de poser mes humeurs du moment. Je reçois plein de messages de soutien qui me mettent du baume au coeur pour continuer ma route (merci au passage à tous ceux qui m’ont manifesté leur soutien cela m’a réellement fait du bien).

Je fais 4300m de dénivelé positif dans la journée ponctuée par des bouffées de chaleur qui me semblent grimper à 30° et des pluies où la température ressentie chute à une quinzaine de degrés. Ce challenge sportif soutenu par mon baffle et mes playlists me permet de faire sortir toute ma rage et peur de la veille. Je fais aussi de chouettes rencontres: Tijl un autre belge à vélo qui descend lui vers Kuala Lumpur et puis un groupe cosmopolite de joyeux backpackers ayant loué des mobylettes pour la journée. Ils m’invitent à partager le repas de midi avec eux.

Mon compagnon à quatre pattes me laisse juste à l’entrée de la ville de Tanah Rata. Il a trottiné les 5 derniers kilomètres de montée raide avec moi, comme pour me soutenir, me protéger tout en me montrant le chemin. J’arrive dans mon auberge de jeunesse trempée d’un savoureux mélange de pluie et de sueur dont seul les cyclistes ont le secret mais avec le sourire de la fin de l’effort et avec le sentiment d’avoir été accompagnée par la bienveillance de mes rencontres éphémères et celle de mes proches à l’autre bout de la planète.

Quel paysage ! Ces plantations sont effectivement magnifiques. J’y passe finalement deux jours. L’ambiance à l’auberge, très familiale, me plait beaucoup et je me lie d’amitié avec plusieurs autres backpackers ainsi qu’avec le gérant de l’hostel (AJ) qui nous fait découvrir la nourriture locale. Je retrouve aussi certains membres du groupe en vadrouille à moto de la veille bref j’ai l’impression d’être chez moi en baladant dans la ville.



La descente vers la ville d’Ipoh est superbe. J’arrive chez ma couchsurfeuse Marina après avoir crevé à 4 km de chez elle. Le pneu arrière de Buffalo enfile plus tôt que prévu sa parure de Noël. J’apprends avec Marina à cuisiner le poulet rendang, un poulet épicé spécialité initialement indonésienne. Repris à la sauce malaisienne c’est désormais un traditionnel de la cuisine malaisienne également.

L’herbe semble courir, balayée par le vent dans les rizières qui longent la côte. Des grues et des hérons m’accompagnent pendant que je roule sur une grosse route plate de la côte ouest. J’ai du revoir mon plan initial de rouler sur la côte est apparemment plus joli que l’ouest mais pour le moment complètement inondée à cause de la mousson. J’ai ma dose de pluie et je décide de tracer un peu vers les îles paradisiaques thaïlandaises pour rattraper le soleil.


Je retrouve la mer mais aussi le vent contre lequel je lutte avec Buffalo. Incomparable à ce que j’ai déjà pu avoir à d’autres moments du voyage il n’en est pas moins un frein à ma progression que j’imaginais fulgurante. Sur cette route plate et sans grand intérêt touristique j’ai du temps pour réfléchir à la vie, à mes choix, mes envies, les machos, l’écologie, l’avenir et soudain une question existentielle m’envahit : dit-on malais ou malaisien ? Je suis soudain prise d’un grand doute.

(Ici photo de la descente vers Ipoh)

En fait on utilise les deux car ils ne renvoient pas à la même réalité : un malaisien est une personne de nationalité malaisienne comme le sont les malais qui composent 80% de la population malaysienne mais aussi comme les chinois, les indiens qui constituent des minorités importantes dans le pays. Les malais sont donc une ethnie avec leur langue et coutumes.

(Aussi descente vers Ipoh)

Je me rends compte en voyageant en Asie que le concept d’état nation est un concept très occidental. La plupart des pays que j’ai visité jusqu’ici sont composés de plusieurs ethnies avec leur langue, leur coutume et leur religion. L’état et ses frontières désigne un territoire où des ethnies sont présentent en pourcentage variable. Par exemple en Ouzbékistan il y a une majorité d’ouzbek (80%) mais il y aussi 6% de russes (à nouveau ethniquement parlant), 5,5% de tadjiks, 4% de kazakhs et de tatars mais aussi des coréens, des kirghizes, des karakalpaks et des turcs meskhètes. Ainsi un kirghize peut être de nationalité tadjike ou ouzbèke tandis qu’un ouzbek peut être de nationalité kirghize. Je me dis qu’en tant qu’occidental on a un peu du mal à comprendre ce rattachement à une ethnie car ce concept a en quelque sorte « disparu » chez nous pour être remplacé par celui de la nationalité et la citoyenneté qui lui est rattachée, peu importe notre « origine ethnique ».

(Alor Setar)

Le vélo est propice à philosopher, j’apprécie ces moments de divagation dans mes pensées et réflexions personnelles et politiques. Je lutte toujours contre le vent mais les kilomètres s’égrènent et j’avance toujours vers le nord. J’arrive à Alor Setar dernière ville malaisienne d’importance avant la frontière thaï. Boudée par la plupart des touristes qui se rendent directement sur l’île de Langkawi, cette ville s’avère être une belle surprise. Un très beau et bien préservé chinatown, des fresques de street art, une ancienne et jolie mosquée ainsi que quelques bars et restaurants branchés m’offrent un dernier beau visage de la Malaisie. L’auberge très propre et sophistiquée où je pose mes bagages pour la nuit propose un concept original de nuit en dortoir mais sous tente. Parquet en bois, ventilateur, lampe de nuit, petite plante mais c’est carrément classe. Un peu de glamping (*glamour-camping) avant de passer la frontière, why not ?!



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