« Un tigre dans le moteur » titre en français un vieil article de journal encadré dans ce magasin de vélo. J’apprends donc que Tigran Korkotyan arménien a fait une carrière cycliste en France dans les années 2000 (Tigran est un nom très répandu ici probablement dû au roi Tigran II d'Arménie du 1er siècle avant JC). Les vendeurs ne parlent que très peu anglais, un peu de français et d’allemand, ils m’invitent le café comme à l’habitude des arméniens dès qu’ils le peuvent. Malgré mes visites dans plusieurs magasins de vélo, impossible de trouver un pneu schwalbe marathon plus pour remplacer le mien qui commence à se déchirer. Ces pneus sont trop chers pour les arméniens. Je me résous à en acheter un autre qui fera l’affaire dès que mon pneu avant sera totalement hors d’usage.
Quelques appels passés avec les proches, emplettes faites pour mon vélo, j’attends mon numéro de visa iranien pour passer à l’ambassade. Il devrait arriver d’un jour à l’autre. « Hi, where are you from ? » concentrée sur mon ordinateur et mon téléphone pour préparer la suite du périple je n’ai pas beaucoup prêté attention aux autres voyageurs de l’hostel. Beaucoup de nationalités différentes pourtant s'y retrouvent des chinois.e.s, des philippines, des irakiens, des russes, je sens que je suis au carrefour de l’Asie et l’Europe. Je sympathise avec un suédois et une américaine. On partagera notre repas ensemble dans un restaurant un peu luxueux d’Erevan où je commande le délicieux dessert du chef. Après l’effort, le réconfort ! Mes pauses dans les villes permettent de manger de la bonne cuisine et vu les prix tellement peu cher ici, en tant qu’européenn.e.s on peut pratiquement tout se permettre (ma nuit à l’auberge de jeunesse me coûte 2800 dirham arméniens (5,3€), en partageant la note en trois du restaurant je paye 7.000 dirhams (13,2€) pour une entrée, un plat, un dessert et un verre de vin.
Quel plaisir de rouler à nouveau. Difficile désormais de faire de trop long break sans avoir des fourmis dans les jambes. Quatre nuits à Erevan et me voilà repartie, visa en poche direction l’Iran et sa foisonnante histoire. Je suis excitée et presque impatiente d’y être et à la fois je compte profiter d’une bonne semaine en Arménie pour visiter le sud et ses monastères.
46° - c’est ce qu’affiche le panneau publicitaire du restaurant de ma pause lunch. Je roule encore un peu pour atteindre des villages, de plus beaux paysages et m’éloigner des faubourgs d’Erevan qui s’étendent sur environ 50 km. Mon trajet jusqu’à Saghpat ce village perdu dans les montagnes arides d’Arménie est ponctué de pauses gustatives : les vendeurs de pastèques insistent pour m’offrir des quartiers de leur juteuse pastèque et s’offusquent lorsque je propose de leur payer un petit quelquechose, une petite vieille remplit gentiment mes gourdes et insiste pour m’offrir le café et puis des bonbons et puis de la glace. J’atterris à Saghpat vers 17h où je cherche un endroit où camper mais une famille me propose de me loger chez eux.
Après avoir accepté la requête des femmes de me voir loger chez lui, le patriarche de la maison (le grand-père) ne rentrera que pour le dîner. Plusieurs générations se côtoient dans cette maison où les hommes sont tous absents (en Russie me semble-t-il comprendre). Je tente d’expliquer par gestes à la gamine avec qui je joue au ballon de garder les yeux ouverts quand elle réceptionne la balle et quelques autres astuces pour améliorer ses passes. Finalement sa tante s’y mettra aussi ainsi que sa grand-mère surprise elle-même de se prendre au jeu. La gamine va chercher son petit cahier d’anglais pour tenter de communiquer un peu plus avec moi. Je suis heureuse de participer d’une manière ou d’une autre à ce goût de la découverte pour l’autre, cette envie d’apprendre pour pouvoir communiquer. A cet instant précis, dans cette famille russo-arménienne, entourée des poulets, et des vaches qui viennent de rentrer de leur pâture dans ce petit village perdu, je me sens à ma place.
J'ai l’impression que des bestioles parcourent mon corps mais je finis par comprendre que ce sont mes gouttes de sueur. C’est la deuxième nuit où j’ai du mal à dormir à cause de la chaleur. L’absence de vent n’aide pas. On a décidé de camper dans l’impressionnant canyon vers le monastère vers Noravank avec Andreas, un autrichien rencontré à l’hostel à Erevan, qui fait des treks en Géorgie et en Arménie. Son prochain parcours commençait proche de là où j’allais être deux jours plus tard. Le rendez-vous était pris : « See you in Areni » (qui veut dire raisin en Arménien). Ce petit village abrite une grotte où les premières traces au monde de vin ont été trouvées. Bon prétexte pour pouvoir déguster du bon vin et s’acheter une bouteille pour le campement. Elle est quand même cool la vie de voyageur, isn’it ?
Comments